Vernissage le vendredi 23 octobre à 19h
Ken Sortais
http://kensortais.com/
Dans la lignée du cinéma de Dario Argento et John Carpenter, Ken Sortais nous plonge dans un univers mystico-comique gorgé de symbole et d’ésotérisme, étroitement lié à ses recherches sur la matière et sa transformation. Travaillant le genre, qu’il soit fictionnel, référentiel ou historique, ses œuvres sont polysémiques et résistent à une lecture manichéenne du réel, préférant la fantasmagorie et l’illusion.
Ugo Schiavi
http://www.ugoschiavi.com
Si la sculpture chez Ugo Schiavi constitue l’objet du délit, c’est que son statut pose question, tant par son rapport à l’image que son entente avec le corps.
Tout d’abord, plusieurs de ses pièces sont soumises à des processus de transformation que l’artiste déploie tels des stratégies de camouflage. Dépassant le rapport premier et immédiat à l’image, le travail d’Ugo a la volonté de détruire « l’image de » en évoquant le faux, le leurre. De la même manière que la cabine de bronzage savamment travestie en caisson lumineux crame sous nos yeux l’image photographique (« Principe de précaution », 2012), la fausse fontaine d’entreprise (« Fontaine », 2009) est programmée pour inonder petit-à-petit l’espace — subtile évocation d’une flaque gênante autour de Duchamp.
C’est dans cette perspective que l’artiste tente de reproduire la face nord de l’Everest en prenant comme modèle des images piochées sur Internet (« Face Nord, 2014). Existence paradoxale de cette sculpture recto-verso : la face A — pic de trois mètres de hauteur en argile crue — est vouée petit-à-petit à s’altérer, s’effriter, se décrocher par morceaux, et révéler la face cachée de la montagne.
Le camouflage et le déguisement sont autant de stratégies applicables à l’objet qu’à l’artiste lui-même. En 2012, c’est en se grimant en vandales qu’Ugo Schiavi et Thomas Teurlai décollent des graffitis sur les murs de la rue et les roulent comme des parchemins pour les montrer dans l’espace de la galerie (« Looters will be shot », 2012). Entre prélèvement organisé et pillage archéologique, c’est ce désir de dégradation — tel un pied de nez à la pérennité de l’objet — qui accompagne bien souvent le travail de l’artiste.
S’il y a baston chez Ugo, elle se fait généralement à mains nues. Cette entente ou mésentente du corps avec la sculpture est primordiale dans son travail. En passant en force entre les portes, la sculpture « Martyr » (2010-2011) subit des détériorations que l’artiste retouche avant chaque exposition. Cette forme de combat entre l’artiste et la sculpture, le corps et l’objet, participe à la formation d’un acte physique — sculpture qui se vit, se grimpe, agresse. Tout comme les performances photographiées « 1% climbing » déplacent le statut initial de ces sculptures monumentales, c’est en se donnant le défi de les escalader que le corps tout en entier de l’artiste à peine équipé réussit à transformer ces sculptures en spots de grimpe.
Enfin, le rapport de force chez Ugo Schiavi se retrouve dans la confrontation qu’il établit avec l’élément végétal et naturel. Les « Jardins suspendus » (2013) marginalisent des plantes grimpantes et mauvaises herbes en leur offrant un nouvel habitat autonome. Malgré un système d’irrigation chaotique, l’heure est à la survivance. Comme à l’image du projet que se donne le groupe Culbuto dont Ugo Schiavi fait parti — tenir éveillé un arbre transformé en culbuto (« Garikuli », 2013) ou rendre autonome une parcelle de végétation découpée dans l’arrière-pays niçois (« Gestalt », 2014) — l’artiste déploie toutes ses forces afin de maintenir en vie l’objet marginalisé.
Si le temps est la condition sine qua non de la lente dégradation de l’objet dans le travail d’Ugo Schiavi, n’hésitons pas à parler de rapport skyzophrénique entre agression programmée et sauvetage organisé. En ce sens, l’artiste honore bien plus la survie de tout un système mis en danger que la simple destruction de l’objet.
Pauline Allié
Deux artistes plasticiens accueillis simultanément en résidence du 15 septembre au 23 octobre.